Adieu Birkenau - Kolinka / Morvan / Matet / Efa / Cesc / Surroca
BDÀ PARTIR DE 13 ANS/4ÈMEBIOGRAPHIEHISTORIQUESECONDE GUERRE MONDIALE


L'avis d'Azalyaa
L’album suit un double fil narratif : d’un côté, le récit du calvaire de Ginette Kolinka en 1944, lorsqu’elle est déportée à Auschwitz-Birkenau à seulement 19 ans ; de l’autre, ses voyages de mémoire en Pologne plusieurs décennies plus tard. Ce va-et-vient entre passé et présent donne une profondeur émotionnelle saisissante, nous montrant non seulement l’horreur de la déportation, mais aussi le poids du souvenir et la difficulté du témoignage. Le tournant du récit intervient lorsque Ginette décide, après son dernier voyage à Auschwitz en 2020, de ne plus jamais y retourner. Cette décision marque une forme de clôture, une acceptation de son rôle de témoin, mais aussi une volonté de ne plus se confronter directement à ce lieu de mort.
Le personnage central est évidemment Ginette Kolinka, dont l’évolution est particulièrement marquante. On la découvre d’abord comme une jeune femme plongée dans l’horreur absolue, survivant malgré la faim, la peur et la déshumanisation. Puis, nous la retrouvons en tant que survivante septuagénaire, qui, après des années de silence, choisit de témoigner. L’une des grandes forces de cette BD est de montrer une Ginette d’aujourd’hui qui ne se résume pas à son passé de déportée : elle est forte, parfois mordante, souvent drôle, et profondément humaine. Sa résilience et son engagement font d’elle une figure inoubliable. Les personnages secondaires, notamment les autres survivants et les accompagnateurs des voyages de mémoire, permettent d’inscrire son témoignage dans une démarche collective. Ils illustrent l’importance du partage et de la transmission de l’histoire.
L’un des enjeux majeurs de ce récit est la nécessité de raconter et de transmettre la mémoire de la Shoah. À travers le témoignage de Ginette Kolinka, l’album insiste sur l'importance de ne pas laisser l’oubli s’installer, surtout à une époque où les derniers survivants disparaissent. Ce devoir de mémoire apparaît comme essentiel pour préserver l’histoire et éviter qu’elle ne se répète. La bande dessinée aborde également l’horreur des camps de concentration et d’extermination, en particulier Auschwitz-Birkenau. Sans jamais tomber dans le sensationnalisme, elle en montre la réalité avec pudeur et justesse. Le quotidien des déportés, marqué par la faim, la peur et la déshumanisation, est retranscrit avec une grande précision. À travers les souvenirs de Ginette Kolinka, on prend conscience de la manière dont ces hommes et ces femmes ont été broyés par le système nazi. Un autre thème central du récit est la difficulté du témoignage. Ginette Kolinka a gardé le silence pendant cinquante ans avant de trouver la force de raconter son histoire. Ce long mutisme soulève la question du poids du traumatisme et du besoin, parfois inconscient, de se protéger en taisant l’indicible. Son passage de l’ombre à la parole illustre à quel point livrer son témoignage est un processus complexe, mais essentiel pour la transmission de l’histoire. Enfin, malgré la gravité du sujet, l’album parvient à mettre en lumière la force de vie de Ginette Kolinka. Son humour, sa détermination et sa capacité à s’adresser aux nouvelles générations apportent une note d’espoir. Elle prouve que, même après avoir traversé l’horreur absolue, il est possible de se reconstruire et de transmettre un message humaniste, tourné vers l’avenir.
Le scénario de Jean-David Morvan et Victor Matet est construit avec finesse et sensibilité. Il alterne entre les souvenirs du passé et le présent de manière fluide, créant un dialogue entre la jeune Ginette et la survivante qu’elle est devenue. Le dessin d’Efa, Cesc et Roger est sobre mais puissant. Loin des représentations choquantes ou trop explicites, il joue sur les émotions et les contrastes pour faire ressentir l’indicible. Les couleurs, souvent ternes et froides, participent à l’atmosphère pesante des souvenirs d’Auschwitz, tandis que les scènes contemporaines sont plus lumineuses, marquant un écart entre passé et présent.
Cette bande dessinée est bien plus qu’un simple récit historique : c’est un témoignage poignant, un travail de mémoire essentiel et une leçon d’humanité. En mettant en lumière le parcours de Ginette Kolinka, elle permet de toucher un large public et de perpétuer son message. À la fois bouleversante et porteuse d’espoir, cette œuvre est une lecture nécessaire pour comprendre l’importance du devoir de mémoire.
Résumé éditeur
En avril 1944, à 19 ans Ginette Kolinka est déportée au camp d'extermination Auschwitz II-Birkenau.
Elle n'en parle pas durant 50 ans, avant d'accepter d'être filmée pour la "Shoah Foundation", que Steven Spielberg vient de créer.
À la grande surprise de la septuagénaire, les souvenirs enfouis rejaillissent. Elle se lance à corps perdu dans le témoignage.
En octobre 2020, à 95 ans, elle permet à Victor Matet et Jean-David Morvan de l'accompagner lors d'un de ses voyages de groupe en Pologne, à l'issue duquel elle décide de ne plus jamais revenir.
Caractéristiques
Titre : Adieu Birkenau
Scénaristes : Ginette Kolinka/Jean-David Morvan/Victor Matet
Illustrateurs : Ricard Efa/Cesc/Roger Surroca
Éditeur : Albin Michel
La note d'Azalyaa


Date de parution : 27/09/2023
Nombre de pages : 112
Public visé : À partir de 13 ans/4ème
EAN : 9782226465269



